Caroline Vignaud, le Goût sauvage
Le nom de son restaurant, Le Goût sauvage, à Saint-Lô dans la Manche, s’applique tout autant au restaurant qu’à sa chef.
Caroline Vignaud dans les parcs à huîtres de Saint-Vaast la Hougue où elle s’approvisionne.
« La bouffe, c’est politique. Culturel, mais surtout politique. » La voix est rauque, le ton, définitif. Le sourire et le regard bleu azur sont enjoués, mais la phrase ne souffre aucune contestation. La chef Caroline Vignaud assortit son propos d’un geste vers la salle de son restaurant, Le Goût sauvage, à Saint-Lô. En déco, du mobilier de récupération chiné ici ou là, tables en formica jaune, lampe orange-marron tout droit sortie des années soixante-dix. Dans les assiettes, des plats graphiques, délicieux, mais surtout des produits qui portent tous un nom et un prénom. « Ce n’est pas du name dropping : c’est rendre à César ce qui lui appartient. » Les légumes viennent de chez Laurent Bignon à Saint-Gilles, les herbes de chez Éric Hierro, également à Saint-Gilles, le pain du fournil de Saint-Loup à Bayeux. Tout est « sourcé » : les fromages du Val de Sienne ou de la ferme de Belle Eau, le bœuf de la ferme de la Forge, les poissons de la maison Jeanne, le sarrazin de la ferme de la Chouquerie… Les vins, tous de la famille « naturels », sont signés Emmanuel Giboulot – une pointure bourguignonne – ou Émile Hérédia – une référence de la Loire. On peut d’ailleurs les acheter à emporter, le restaurant fait également caviste et (petite) épicerie.
Et bien sûr, Caroline Vignaud est membre du mouvement Slow Food, l’organisation « qui envisage un monde où chacun puisse avoir accès à une nourriture
bonne pour lui, pour ceux qui la produisent, et pour la planète ». Rien d’utopique là-dedans : le chef a les pieds sur terre. Chez cette cuisinière passée par HEC, on est bien loin des clichés normands. « P’têt’ ben qu’oui, p’têt’ ben qu’non », ce n’est pas son genre. Sa philosophie, elle la transmet de façon bien concrète, en donnant des cours de cuisine aux Ateliers de Yannick, en participant à des festivals ou en travaillant avec la fondation Good Planet de Yann Arthus-Bertrand.
Soupe de pois chiches et pois cassés aux épices. Caroline a également travaillé au Maroc : cumin, coriandre et cannelle sont restés ses alliés de prédilection.
Mais c’est surtout à travers ses recettes qu’elle s’exprime. Beaucoup de bio, de la viande et des produits de la mer en quantité limitée, des ingrédients bruts et locaux, cuisinés mais peu transformés : tout ce qu’on aime. Essayez sa soupe de pois chiches et pois cassés aux épices ou ses œufs brouillés au foie gras, purée de courge kabocha, ce sont des traductions dans l’assiette du crédo de Caroline : le goût, sauvage.
Œufs brouillés au foie gras, purée de courge kabocha. Un grand classique d’hiver au Goût sauvage